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L’amour de soi et le bien commun, d’Aristote à Rousseau

  • Volume horaire

    12h

Description

À l’époque des réseaux sociaux numériques, nous associons volontiers l’amour de soi humain à la figure de Narcisse, absorbé dans le désir obsédant et illusoire de sa propre image. L’amour de soi était pourtant conçu bien plus positivement dans l’Antiquité. Aristote, puis les stoïciens, s’appuyaient par exemple sur l’observation que nous aimons davantage faire le bien aux personnes que nous aimons que recevoir les bienfaits de ces mêmes personnes pour concevoir un amour de soi vertueux qui échappe à l’alternative entre égoïsme et altruisme. À leurs yeux, l’amour de soi bien entendu était une passion naturelle dont la jouissance la plus effective accompagnait l’exercice actif de la vertu. Cette passion était le principe de l’amitié et de la concorde politique. D’elle dépendait encore la réalité effective du bien commun d’une société. Dès lors encore que l’horizon de la connaissance intellectuelle est celui d’une réflexion de la partie pensante de l’âme dans la réalité des Formes intelligibles, ce sont de tout autres lectures et interprétations de l’histoire de Narcisse qui s’esquissent ici que celles dont nous sommes devenus familiers.

La théologie augustinienne s’est cependant vivement opposée à cette compréhension « païenne » de l’amour de soi humain héritée d’Aristote et du stoïcisme. Selon saint Augustin, le péché originel se caractérise par la substitution par l’homme de soi à la place de Dieu comme objet d’un amour infini. En l’absence d’une grâce, tout amour de soi humain est donc originellement corrompu et déréglé, et signe de notre nature dégradée et déchue. Hors de la charité chrétienne, toute les vertus humaines dérivent de cet amour de soi corrompu, et ne sont en réalité que des vices déguisés, de pseudo-vertus.

Dans ce séminaire, nous nous intéresserons à la manière dont cette querelle sur la vertu des païens est réactivée sous des formes nouvelles à l’époque moderne dans un contexte inédit de redécouverte de textes antiques perdus, mais aussi de crise épistémologique, théologique et politique. Nous interrogerons alors aussi bien les manières dont ces discussions informent les esthétiques modernes de la peinture de soi que le rôle qu’elles ont pu jouer dans la genèse des théories modernes de la reconnaissance, des fondements de la société politique, ou encore du commerce. En effet, on remarquera que si, comme le veulent les augustiniens, il revient exclusivement à Dieu de pouvoir remédier, par des moyens surnaturels à la corruption de notre amour de soi, alors la tâche du politique ne consistera plus vainement à chercher à rendre les hommes réellement vertueux, mais bien plutôt à tirer les meilleurs bénéfices publics des vices qui dérivent de notre amour-propre corrompu. De là germeraient par exemple l’idée que nos vices contribueraient bien davantage au bien public que nos vertus (Mandeville), voire celle selon laquelle le riche ferait moins de bien aux pauvres en cherchant à pratiquer la charité ou en adoptant un mode de vie frugal qu’en cherchant avidement à accroître sa richesse par le commerce et en aimant le luxe.

Nous travaillerons ainsi au cours du semestre sur des œuvres de Platon, Aristote, Cicéron, Ovide, saint Augustin, Alberti, Caravage, La Boétie, Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, Nicole, Mandeville, Montesquieu et Rousseau.

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Heures d'enseignement

  • L’amour de soi et le bien commun, d’Aristote à RousseauCours Magistral12h