Récits de filiation et de transmission

On étudiera l’émergence au XXe siècle d’une forme nouvelle : le récit de filiation. Différent du “roman des origines” défini par Marthe Robert dans Roman des origines, origines du roman, ce récit ne met pas en scène un personnage de bâtard ou d’enfant trouvé mais d’héritier problématique. L’interrogation, ou l’enquête, sur les figures des ascendants renouvelle ici les modes du questionnement sur soi qui sont au fondement de l’écriture autobiographique. A la question “qui suis-je ?” semblent désormais se substituer d’autres questions : de qui suis-je le fils/la fille ? Quels fantômes me visitent ?

On s’interrogera sur les raisons et les enjeux littéraires de ce changement : pourquoi la fabrique de l’identité se figure-t-elle ici dans un certain rapport à la transmission historique et familiale ? Enfin, quel est le rôle assigné à l’écriture, à la production du récit, dans la réflexion sur les liens de filiation, dans un siècle et une société où ceux-ci ont été mis à mal ?

Partant du constat de Freud selon laquelle le sujet mène une double existence, « en tant qu’il est à lui-même sa propre fin, et en tant que maillon d’une chaîne à laquelle il est assujetti contre sa volonté ou du moins sans l’intervention de celle-ci », on se propose d’examiner différentes constructions de la filiation et de la transmission, à partir principalement d’études de textes littéraires – mais pas exclusivement. Renouvelant les modes et les formes de questionnement sur soi qui sont au fondement de l’écriture autobiographique, l’interrogation sur l’identité se figure de plus en plus fréquemment dans un certain rapport à la transmission familiale et historique. Comment expliquer le souci de ce détour par la généalogie ? Quel est le rôle assigné à l’écriture, à la production de récits mais aussi de constructions imaginaires dans la réflexion sur les liens de filiation, dans un siècle et une société ou ceux-ci ont été mis à mal ?

Corpus :
Albert Camus, Le Premier homme (publication posthume, 1994) 
Philip Roth, La Tache (2000) 
Annie Ernaux, La Place (1983) 
G.W. Sebald, Austerlitz (2001) 
Philippe Grimbert, Un Secret (2004) 
Jean Rouaud, Les Champs d’honneur (1990) 
Pierre Pachet, Autobiographie de mon père (1987)
Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle (2020) 
Romain Gary, La promesse de l’aube (1960)
Wajdi Mouawad, Incendies (2003)
Fabrice Humbert, L’origine de la violence (2009) 

Bibliographie critique (elle sera complétée lors du cours) :
Transmissions et Filiations, (dir. C. Trevisan et C. Pinçonnat), Revue des Sciences humaines, n°301, 2011. 
Dominique Viart, « Filiations littéraires », Ecritures contemporaines 2, Minard, 1999. 
Généalogie et Transmission, (dir. Jean Guyotat et Pierre Fedida), G.R.E.U.P.P., 1986
Alain de Mijolla, Les Visiteurs du moi, Les Belles lettres, 1981. 
Marthe Robert, Roman des origines, origines du roman, 1972. 
J. Altounian, La survivance, traduire le trauma collectif, Dunod, 2000 
M. Hirsch, The Generation of Postmemory : Writing and visual culture after the Holocaust, Columbia University Press, 2012.